Léon Weissberg est né dans une famille pieuse, cultivée et bourgeoise de Przeworsk, en Galicie. Il a une soeur aînée. Son père, un notable de la communauté juive, et une personnalité autoritaire, est juriste et maire-adjoint de la ville. Bien que destiné à la magistrature, le jeune Weissberg semble plus attiré par le dessin, la littérature et la musique, encouragé par sa grandmère paternelle. Son père l’envoie comme pensionnaire, à l’âge de sept ans, dans un lycée classique de Vienne et autorise les leçons de violon. À seize ans, au lendemain de son baccalauréat (Matura), Weissberg s’enfuit pour s’inscrire à l’École des beaux-arts de Vienne et suivre le cours de Kokoschka à l’École des arts appliqués. Son père lui coupe les vivres, il se retrouve seul. Sa grandmère le soutient, elle lui envoie des lettres et un peu d’argent. Il a fait le choix de l’art et du dénuement, la vraie vie de bohème. Étudiant le jour, il joue du violon le soir dans un cabaret et travaille la nuit à la reconstruction de l’Opéra de Vienne, endommagé par un incendie. C’est ainsi que, de 1912 à 1915, durant trois ans, il étudiera la peinture à l’École des beaux-arts de Vienne. Lors de la Première Guerre mondiale, il est mobilisé en 1915 dans l’armée autrichienne où il sert comme courrier d’un général.
Démobilisé en 1918, réconcilié, très provisoirement, avec son père, pour lui complaire il s’inscrit à la faculté de droit de Berlin, mais il se ravise et quitte Berlin pour Munich où il entre à l’Académie royale des beaux-arts. Il y étudiera la peinture et les grands maîtres allemands, flamands et français pendant deux années complémentaires. Pour gagner savie, il donne des leçons d’allemand et de violon, fait des portraits sur commande, de la figuration au cinéma, du théâtre pour lequel il écrit une pièce, La Paix et la guerre, qui sera donnée avec succès à Berlin.
En 1922, il visite les musées de Dresde et, selon la tradition estudiantine d’alors, part à pied pour l’Italie, où il découvre avec enthousiasme des chefs-d’oeuvre de l’art. Il poursuit son voyage invité sur un yacht qui le mène jusqu’en Hollande. Là, il découvre les oeuvres de Rembrandt. De retour à Berlin, il exécute un portrait de Franz Kafka. En 1923, Weissberg arrive à Paris, sans bagages, et se rend directement à La Rotonde. C’est là que Menkès fait sa connaissance et l’invite à passer sa première nuit à Paris dans sa chambre d’hôtel. Ils deviennent amis et le resteront. Ensemble, ils visitent le Louvre avec passion. Weissberg s’installe à Montparnasse, 9, rue Campagne- Première, et rencontre à La Rotonde et au Dôme les peintres de l’époque et l’écrivain yiddish Oser Warszawski. Léon Weissberg forme avec les Galiciens Menkès, Aberdam et Weingart le Groupe des Quatre. Ils ont en commun leur âge, leur origine, et une culture cosmopolite, allemande, viennoise et juive polonaise.
À l’automne 1925, leur première exposition a lieu au Sacre du Printemps, la galerie de Jan Sliwinski. En 1926, Weissberg fait la connaissance des marchands Leopold Zborowski, dont il fait le portrait, et Wladimir Raykis de la galerie Zak, qui lui achètent ses premières toiles. Raykis soutiendra Weissberg toute sa vie et lui obtiendra un contrat avec deux galeries américaines. En 1927, Weissberg épouse Marie Ber, qui posera pour nombre de ses tableaux. Ils auront une fille, Lydie. La famille déménage souvent dans la banlieue proche de la Porte d’Orléans, jamais loin de Montparnasse. Parmi ses collectionneurs on compte le professeur N. Kivéliovitch, qui est à l’origine de la collection « Artistes juifs » aux éditions Le Triangle, et le Dr Ber. En 1933-1934, il part pour le Sud de la France, à Saint-Paul-de-Vence, rejoindre son ami Maurice Mendjizky et son épouse Rosette. Il séjourne à l’auberge de La Colombe d’Or, dont le propriétaire, M. Roux, se fait payer en tableaux. À cette époque, Weissberg est séparé de sa femme, qui deviendra la compagne d’Oser Warszawski. En 1935, il est de retour à Paris, dans l’ancien atelier du douanier Rousseau que lui cède Menkès avant son départ pour New York.
En 1937, alors que se tient à Paris le Congrès international de la culture juive en même temps que l’Exposition intenationale, Weissberg prend l’initiative de créer et d’organiser la première Association des artistes juifs de Paris et de France, une réplique aux exclusions et aux violences antisémites en Allemagne nazie (Chil Aronson relate l’événement dans Scènes et visages de Montparnasse.) Le 10 juin 1940, à l’arrivée des forces allemandes, Weissberg part rejoindre sa fille, pensionnaire au collège de Rodez. La préfecture de l’Aveyron, sous l’autorité de Vichy, le place en résidence forcée dans un hameau médiéval. L’hiver est rude, le peintre contracte une grave pleurésie, il est hospitalisé à l’hôpital de Rodez.
En 1941, il obtient un changement de résidence forcée pour Entraygues-sur-Truyère, où, grâce au contrat que lui établit Raykis avec la Benjamin Gallery de Chicago, il peut résider à l’auberge Andrieu d’Entraygues. Il peint des petits formats en raison de la pénurie de matériaux, essentiellement des personnages et des cirques hauts en couleurs. Le 18 février 1943, deux gendarmes viennent l’arrêter. Il est interné aux camps de Gurs puis de Drancy. Le 6mars 1943, il est déporté. Convoi n°51. Assassiné à son arrivée à Maïdanek, le 11 mars. Son atelier parisien de la rue Perrel sera pillé sous l’Occupation, ses tableaux dispersés. Ses oeuvres retrouvées et rassemblées ont fait l’objet d’expositions importantes ces dernières années.
FRENCH-ENGLISH
Capitale des arts, le Paris des années 1905-1939 attire les artistes du monde entier. De cette période de foisonnement, un terme est resté, celui d'Ecole de Paris, qui recouvre une grande diversité d'expression artistique. Dans ce brassage dont Montparnasse est le creuset, un groupe se distingue : celui des artistes juifs venus de Russie, de Pologne et d'Europe centrale. Si leurs styles sont variés, un destin commun les rassemble : ils fuient l'antisémitisme de leur pays d'origine. Certains ont connu la célébrité dès les années 1920, tels Soutine, Lipchitz ou Chagall. D'autres n'ont pas eu le temps ou la chance d'y accéder. Près de la moitié a péri dans les camps de concentration nazis.
From 1905 to 1939, Paris attracted artists from all over the globe as the capital of the art world. This period of artistic proliferation became known as the School of Paris, and includes a great diversity of artistic expression. Within the teeming art world centred on Montparnasse, one group set itself apart: Jewish artists from Russia, Poland, and Central Europe. Although their styles were diverse, they shared the common fate of fleeing anti-Semitic persecutions in their home countries. Some became famous in the 1920s, such as Soutine, Lipchitz, and Chagall, while others did not have the time or the luck to gain renown. Nearly half of these artists died in Nazi concentration camps.