Marc Chagall est l’aîné d’une famille de neuf enfants. Issu d’un milieu modeste, il grandit dans un shtetl de Biélorussie. Son enfance est imprégnée de culture et de tradition religieuses. Dès 1906, il étudie la peinture dans sa ville natale à l’atelier de Yéhouda Pen, peintre juif qui lui inculque les premiers éléments de son art. En 1907, il part pour Saint-Pétersbourg où il s’inscrit à l’École impériale d’encouragement des arts, qu’il quitte en 1908. Chagall rencontre Vinaver, le très influent mécène et député à la Douma. Vers la fin de l’année, il se rend à Saint-Pétersbourg, à Zvantseva, école de tradition libérale et avant-gardiste dirigée par Léon Bakst.
En 1909, il fait la connaissance de Bella Rosenfeld, cadette d’une famille de bijoutiers et étudiante à Moscou. Entre eux naît aussitôt un amour profond et exclusif. À Saint-Pétersbourg, quelques amateurs d’art commencent à s’intéresser à son oeuvre. Grâce au soutien du mécène Vinaver, Chagall arrive à Paris en 1911 et s’installe à la Ruche, où vivent déjà Jean-Paul Laurens, Alexander Archipenko, Fernand Léger et Modigliani. Il rencontre aussi Max Jacob, André Salmon, Guillaume Apollinaire et se lie d’une grande amitié avec Blaise Cendrars. Il fréquente les académies de la Palette et de la Grande Chaumière et expose pour la première fois en 1912 au Salon des indépendants.
En 1912, grâce à l’invitation du sculpteur Moïse Kogan, de Robert Delaunay et d’Henri Le Fauconnier, il rencontre Herwarth Walden, directeur de la galerie Der Sturm, qui lui organisera sa première exposition personnelle en 1914 à Berlin. En 1913, Chagall participe au Salon des indépendants d’Amsterdam. En 1914, il fait un voyage à Vitebsk pour rendre visite à sa famille et à sa fiancée, mais la guerre l’empêche de retourner en France. En 1915, il épouse Bella qu’il n’a jamais cessé d’aimer; leur fille Ida naîtra un an plus tard. En novembre 1916, il présente quarante-cinq oeuvres au Valet de carreau, association de peintres constituée à Moscou à l’automne 1910.
Après la révolution d’Octobre, en 1917, Chagall est nommé commissaire des Beaux-Arts de Vitebsk par Lounatcharsky, rencontré à Paris et ministre de la Culture et des Arts de Russie. Chagall rêve alors de transformer sa ville natale en centre artistique. Il dirige ensuite la nouvelle académie d’art de Vitebsk, inaugurée le 28 janvier 1919, qui accueille comme professeurs El Lissitzki, Vladimir Tatlin, Jean Pougny, Anton Pevsner, son frère Naum Gabo et le créateur du suprématisme, Kasimir Malevitch. À la suite de désaccords politiques avec Malevitch, Chagall est démis de ses fonctions. En 1920, Chagall quitte définitivement Vitebsk et part s’installer à Moscou où il rencontre Alexeï Granovsky, directeur du théâtre juif Kamerny pour lequel il réalise des décors de théâtre.
Chagall se souvient dans Ma vie: « Ah, pensais-je, voilà l’occasion de renverser le vieux théâtre juif, son naturalisme psychologique, ses barbes collées. Là, sur les murs, au moins, je pourrai me mettre à mon aise et projeter librement tout ce qui me semble indispensable pour la renaissance du théâtre national.» En 1921, il est à Moscou avec sa famille et enseigne le dessin dans les colonies d’orphelins de guerre. Au cours de l’été 1922, il quitte la Russie et commence à écrire son récit autobiographiqueMa vie, qui paraîtra en France en 1931. En 1923, il regagne Paris via Berlin où il s’initie aux techniques de la gravure et tente en vain de récupérer les tableaux confiés à Walden. J.P. Crespelle raconte dans Montparnasse vivant: « Ses affaires réglées à Berlin, il n’avait plus qu’une hâte: retrouver Paris et Montparnasse. Dans chacune de ses lettres Cendrars lui écrivait: “Tu es célèbre, Vollard t’attend.”»À Paris avec Bella et Ida, Chagall retrouve son atelier à la Ruche, mais les toiles qu’il avait laissées avant de partir ont disparu. Il y en avait plus de cent cinquante. Elles furent vendues pendant son absence. Il visite la Bretagne en compagnie de Sonia et Robert Delaunay, la Côte d’Azur, l’Auvergne.
En 1926, le marchand d’art Ambroise Vollard lui demande d’illustrer Les Âmes mortes de Gogol, les Fables de La Fontaine puis la Bible, ce qui lui donne l’occasion de se rendre en Palestine en 1931. En 1933 a lieu à Bâle une grande rétrospective de son oeuvre. Chagall séjourne en Hollande en 1932, en Espagne en 1934, en Pologne en 1935 et en Italie en 1937. En 1937, il devient citoyen français et, cette même année, quatre de ses oeuvres figurent à Munich dans l’exposition « Art dégénéré». La Seconde Guerre mondiale survient. Chagall et sa famille se réfugient à Blois avant de rejoindre André Lhote à Gordes en Provence.
Au cours d’une visite à Marseille, il est pris dans une rafle, puis relâché sur l’ordre du consul des États-Unis. Conscient du danger, il quitte la France pour New York via l’Espagne le 7 mai 1941, grâce à l’intervention de Varian Fry, citoyen américain, qui avait pour mission de sauver les intellectuels et les artistes menacés par les nazis. Seul, sans moyens ni soutien, Varian Fry va pendant treize mois aider quatre mille personnes et en sauver près de deux mille parmi lesquelles Max Ernst, André Breton, André Masson et Marc Chagall. Dans la postface du livre La Liste noire, on lit: « Pour illustrer l’application de ces lois, Fry raconte le sort de son plus célèbre “client” juif, l’artiste Marc Chagall qui fut arrêté à la fin du printemps 1941. Fry a appris que Chagall a été arrêté non parce qu’il est connu des autorités comme un grand peintre dont l’art est considéré comme “dégénéré” mais parce qu’il est juif.»
À New York, en 1941, il expose à la galerie Pierre Matisse. Il retrouve les Ballets russes et réalise pour Massine décors et costumes pour un ballet. Puis il effectue un voyage au Mexique Le 2 septembre 1944, Bella meurt. Les deux années qui suivent sont difficiles. Chagall, solitaire, s’installe dans une petite ferme à quelques heures de New York. Il se remet péniblement au travail et crée en 1945 les décors et costumes pour L’Oiseau de feu à l’Opéra de New York, commandés par Balanchine. En 1946, il regagne Paris pour quelques mois, le temps d’assister à la première rétrospective de son oeuvre au musée d’Art moderne, et repart aussitôt à New York. En 1948, il revient définitivement en France, son atelier est dévasté.
En 1952, il épouse Valentine Brodzky et s’installe dans le Midi. Il répond à de nombreuses commandes d’État, notamment la décoration murale du Parlement de Jérusalem, le plafond de l’Opéra de Paris (1963) et les peintures murales de l’Opéra de New York, mais aussi les vitraux de la cathédrale de Metz, de la cathédrale de Reims et ceux de la synagogue de Hadassa à Jérusalem. En 1970 une rétrospective de son oeuvre a lieu au Grand Palais à Paris. En 1973, l’inauguration du musée national Message biblique Marc Chagall à Nice consacre définitivement sa gloire. Chagall meurt à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans à Saint-Paul-de- Vence.
FRENCH-ENGLISH
Capitale des arts, le Paris des années 1905-1939 attire les artistes du monde entier. De cette période de foisonnement, un terme est resté, celui d'Ecole de Paris, qui recouvre une grande diversité d'expression artistique. Dans ce brassage dont Montparnasse est le creuset, un groupe se distingue : celui des artistes juifs venus de Russie, de Pologne et d'Europe centrale. Si leurs styles sont variés, un destin commun les rassemble : ils fuient l'antisémitisme de leur pays d'origine. Certains ont connu la célébrité dès les années 1920, tels Soutine, Lipchitz ou Chagall. D'autres n'ont pas eu le temps ou la chance d'y accéder. Près de la moitié a péri dans les camps de concentration nazis.
From 1905 to 1939, Paris attracted artists from all over the globe as the capital of the art world. This period of artistic proliferation became known as the School of Paris, and includes a great diversity of artistic expression. Within the teeming art world centred on Montparnasse, one group set itself apart: Jewish artists from Russia, Poland, and Central Europe. Although their styles were diverse, they shared the common fate of fleeing anti-Semitic persecutions in their home countries. Some became famous in the 1920s, such as Soutine, Lipchitz, and Chagall, while others did not have the time or the luck to gain renown. Nearly half of these artists died in Nazi concentration camps.