Elie NADELMAN
janvier 5, 2019
Mordechai Perelman
janvier 5, 2019

Chana ORLOFF

CONSTANTINOVSKA (UKRAINE) 1888 – TEL AVIV 1968

Chana Orloff naît en Ukraine. Elle a huit frères et soeurs. Son père était instituteur, devenu commerçant à cause des lois antijuives. C’est en 1905, afin d’échapper aux pogroms, que sa famille émigre à Petah Tikva, première colonie juive de Palestine. À leur arrivée, le père travaille comme ouvrier agricole et Chana fait des travaux de couture. Elle arrive à Paris en 1910 et travaille chez la couturière Jeanne Paquin, qui l’encourage à développer son talent artistique. Chana Orloff suit alors des cours à l’École nationale des arts décoratifs, puis étudie la sculpture à l’Académie russe de Montparnasse. Elle se lie avec de nombreux artistes tels que Picasso, Foujita, Rivera, Soutine, Pascin, Zadkine.

En 1912, elle présente Jeanne Hébuterne à Modigliani. Ce dernier lui fera son portrait. En haut du papier en forme de losange, sur une enveloppe dépliée, il écrit en hébreu: « Chana, fille de Raphaël ». En 1913, ses oeuvres sont présentées au Salon d’automne puis au Salon des Tuileries et au Salon des indépendants. En 1916, elle expose pour la première fois aux côtés de Matisse, Van Dongen et Rouault à la galerie Bernheim- Jeune que dirige le critique d’art Fénéon. En 1917, elle épouse le poète Ary Justman. Il meurt deux ans plus tard, mobilisé à la fin de la guerre. Chana Orloff reste seule avec son fils âgé de un an. Elle travaille alors beaucoup et développe des thèmes que l’on retrouvera tout au long de sa carrière, comme la maternité, les animaux. Grâce à ses amis Edmond et Madeleine Fleg, elle côtoie l’élite parisienne, brosse et sculpte le portrait de nombreuses personnalités.

C’est en 1923 qu’elle réalise celui d’Ida Chagall. En 1925, elle obtient la nationalité française et est décorée de la Légion d’honneur. La même année, elle se fait construire une maison-atelier, dessinée par Auguste Perret, Villa Seurat, à Paris dans le 14e arrondissement. Ce lieu est resté intact et peut toujours se visiter. En 1927, Édouard Des Courières signe la première monographie sur Chana Orloff, qui paraît chez Gallimard. Dans cet ouvrage, l’artiste répond ainsi aux questions de l’auteur: « Je suis tout d’abord attirée par le côté décoratif, plastique, si vous préférez, et le caractère… Je voudrais que mes oeuvres soient aussi vivantes que la vie… Je commence par faire plusieurs dessins, très poussés, du modèle. Puis je passe à la sculpture, et alors j’envoie promener le modèle, dont je n’ai plus besoin… […] Les sculpteurs contemporains que j’aime? Maillol et ses beaux volumes, Pompon aussi. Je ne crois pas qu’on puisse aller plus loin que Pompon dans la voie qu’il s’est tracée… Les peintres? Picasso, si exceptionnel, Braque qui a tant de vraie grandeur, Segonzac, si puissant, Moreau et son beau dessin, Pascin, si subtil… Le plus grand artiste actuel, c’est peut-être Charlot, ce magicien qui nous fait tout oublier. N’est-il pas merveilleux que nous vivions à l’époque de cet homme? » Elle voyage fréquemment en Israël et aux États-Unis.

En 1930, le maire de Tel-Aviv, Meir Dizengoff, rend visite à Chana Orloff dans son atelier parisien, où ils discutent de la création du musée de Tel-Aviv. En 1935, sa première exposition y remporte un très grand succès. En 1937, elle participe à l’exposition Les Maîtres de l’art indépendant au Petit Palais. Rentrée à Paris avec son fils après l’exode de 1940, Chana Orloff continue à travailler malgré une vie difficile. En décembre 1942, elle est prévenue de son arrestation imminente et part se réfugier en Suisse avec son fils et le peintre Georges Kars, qui se suicidera après la guerre. À Genève, elle travaille grâce à ses amis, qui lui prêtent atelier et matériaux et lui commandent des portraits.

Entre 1942 et 1945, elle réalise plus d’une cinquantaine de sculptures. En 1945, une exposition sur son oeuvre a lieu à la galerie Moos à Genève. Après la Libération, elle retourne à Paris et découvre que sa maison et son atelier ont été pillés et que ses sculptures ont été détruites. Dès 1949, elle se rend très fréquemment en Israël. Cette même année, elle réalise le buste de David Ben Gourion. De nombreuses expositions et rétrospectives ont lieu en Europe, aux États-Unis et en Israël, et Chana Orloff connaît alors la consécration. Dans les années 1950-1960, elle reçoit plusieurs commandes de monuments liés à l’histoire d’Israël. Elle meurt en 1968 à Tel-Aviv, alors qu’elle s’y rendait pour une exposition au musée de la ville, organisée en son honneur.

Stories of Jewish Artists of the School of Paris 1905-1939

FRENCH-ENGLISH

Capitale des arts, le Paris des années 1905-1939 attire les artistes du monde entier. De cette période de foisonnement, un terme est resté, celui d'Ecole de Paris, qui recouvre une grande diversité d'expression artistique. Dans ce brassage dont Montparnasse est le creuset, un groupe se distingue : celui des artistes juifs venus de Russie, de Pologne et d'Europe centrale. Si leurs styles sont variés, un destin commun les rassemble : ils fuient l'antisémitisme de leur pays d'origine. Certains ont connu la célébrité dès les années 1920, tels Soutine, Lipchitz ou Chagall. D'autres n'ont pas eu le temps ou la chance d'y accéder. Près de la moitié a péri dans les camps de concentration nazis.

From 1905 to 1939, Paris attracted artists from all over the globe as the capital of the art world. This period of artistic proliferation became known as the School of Paris, and includes a great diversity of artistic expression. Within the teeming art world centred on Montparnasse, one group set itself apart: Jewish artists from Russia, Poland, and Central Europe. Although their styles were diverse, they shared the common fate of fleeing anti-Semitic persecutions in their home countries. Some became famous in the 1920s, such as Soutine, Lipchitz, and Chagall, while others did not have the time or the luck to gain renown. Nearly half of these artists died in Nazi concentration camps.